Je me suis réveillé ce matin en me disant que mon mentor et ami ne verra jamais son idéal se réaliser. Bernard Landry aimait tant évoquer l’avenir, parler du pays à bâtir. Il ne goûtera pas au fruit de cet accomplissement, lui qui a pourtant abondamment semé le projet de l’indépendance.
Les voix de Bourgeault, de Lévesque, de Parizeau et aujourd’hui celle de Bernard Landry se sont éteintes. Ne soyons pas trop tristes, car elles résonnent en chacun de nous. Toutefois, d’autres voix devront s’élever au concert des nations pour faire reconnaître celle du Québec.
J’entends le poète Vigneault me murmurer à l’oreille :
« Dans tout Québécois, un homme sommeille. Il prétend qu’il veille sans lever le doigt.
Moi, j’prétends qu’il dort. Faut que je le réveille.
Faut que je le réveille avant m’endormir. »
Voilà l’héritage de Bernard Landry : être au service de son peuple pour qu’il se réveille et qu’il s’accomplisse.
Les destinées les plus admirables ont été celles de femmes et d’hommes qui ont entretenu la passion qui les animait. Thérèse Casgrain, Ghandi, Lucille Teasdale, Charles de Gaulle, René Lévesque ont beaucoup vécu et se sont accomplis parce qu’ils ont beaucoup aimé. C’est parce qu’ils n’ont pas hésité à mettre leur vie au service de celles et de ceux qu’ils aimaient que leurs vies soient devenues des destinées réussies.
La carrière politique et pédagogique de Bernard Landry a été longue et fructueuse, remplie de réalisations économiques, culturelles, sociales et diplomatiques. Mais ce qui en fait une réelle réussite, c’est qu’il a été aimé des Québécois. Monsieur Landry a aimé le peuple québécois au point de lui consacrer sa vie. En retour, il a été aimé de son peuple, parce qu’il était un homme d'État, entièrement dévoué à sa patrie.
Nous aurons souvent entendu Bernard Landry dire : « La patrie avant le parti, et le parti avant les intérêts personnels. » Jusqu’à ses derniers instants, il donnera l’exemple. En demandant aujourd’hui à trois premiers ministres, qui représentent trois idéologies véhiculées chez son peuple, il aura, jusqu’à la fin, placé les intérêts de la patrie au-dessus de la partisannerie, et il aura été, jusqu’à son dernier souffle, un rassembleur.
Sur une note plus personnelle, il y a quelques années, aux funérailles d’un autre de nos géants, monsieur Jacques Parizeau, j’avais pris monsieur Landry à part, après la cérémonie, pour lui dire : « Je vous interdis de mourir monsieur Landry. Le Québec a encore besoin de vous. J’ai encore besoin de vous. » Touché, il m’avait répondu qu’il ferait son possible en ajoutant : « Tu sais, Jean-François, malgré les progrès de la médecine, le taux de mortalité chez l’être humain est toujours de 100%. »
J’aime à penser que votre lumière nous éclairera encore longtemps. Merci pour ce bel héritage, monsieur Landry !
C’est notre devoir, maintenant, de reprendre le flambeau. Reposez en paix, mon brave patriote.
Hier, à notre cours de Gestion internationale, vous nous avez manqué, monsieur le professeur.
Jean-François Payette, Docteur en science politique (Université de Lyon). Co-directeur de thèse… Bernard Landry.